Daniel Mato

Artiste

Entretien radiophonique avec Daniel Mato

par Claire Colin Collin et Sylvain Roche | in situ

Ma pratique picturale est dictée par les journées d’atelier et ce qui s’y passe. Il n’y a pas d’idées préalables à un tableau. Chaque peinture avance et s’élabore par les événements qui se produisent au sein de l’atelier. Chaque tableau s’enrichit des expériences passées. Il n’y a pas pour autant de séries. Avec le temps, une logique et des relations se font entre les toiles. Il y a des récurrences de formes, de process, que j’essaye de rejouer, d’accorder de façons différentes.

Depuis quelques années, je peins sur de la toile de coton laissée vierge. De façon très liquide. Et de cette unique façon. Cette limite a ouvert l’espace de mes toiles et le champ des possibles. Avec un traitement unique de la surface, j’ai le sentiment de pouvoir tout me permettre, d’avoir gagné en liberté. Par cette technique unique je ne bifurque plus de mes principales préoccupations. Je ne me retrouve plus bloqué par ce que j’appelle « le métier du peintre » et par conséquent j’ai le sentiment de me consacrer uniquement à l’expérience du regard. Je m’en tiens aux faits, et non plus à comment faire.

Peindre de façon horizontale, au sol ou sur des tréteaux, me donne le sentiment d’être davantage « dans ma peinture ». Davantage acteur que spectateur de ce qui est en train de se passer. Je suis au dessus, et non devant. Je vois, par projection, par sentiment, le tableau qui sera ensuite vu dans sa verticalité. Tant qu’il n’est pas sec, je ne peux pas le relever pour l’observer avant la prochaine étape. Et parfois, je n’attends pas, je me laisse guider par un sentiment ou un état.

Plus mon travail avance et plus la question de la couleur et de ses possibilités devient centrale. La forme devient prétexte à laisser agir la couleur, la peinture se diffuse dans la trame du coton, pour donner cet aspect velouté, comme si la couleur venait de l’intérieur du tableau. Nulle forme n’est préalable à la couleur. C’est à dire qu’au moment ou je pose le pinceau sur la toile je ne sais pas quelle forme va arriver. C’est par ce que j’appelle le poids, la densité, la légèreté de la couleur que le dessin arrive. Le tableau est fini lorsque j’ai l’impression qu’il a trouvé sa « propre histoire » et qu’il me surprend. C’est à ce moment la qu’il devient autonome, qu’il a ce que j’appelle son existence propre.

Daniel Mato