Entretien radiophonique avec Jérôme Boutterin
L’atelier
J’ai atterri ici après un moment bien chahuté. On traverse une barre par des étroits petits couloirs et juste après on se trouve projeté en surplomb au dessus des arbres.
Elle est lourde la boîte, voiles de béton, poutres en béton, dalles en béton. Comme ce qui se passe dedans est parfois fragile je trouve bien que cette cette fragilité soit entourée d’une densité.
Je voudrais des rideaux, seulement des rideaux dans cette enceinte. Je vais le faire.
J’aime cet endroit parce qu’il est au bord de la ville, et parfois je me dis que j’ai mis très longtemps a le trouver alors qu’il correspond à ce que je voulais depuis justement très longtemps. Être au bord de la ville quand celle ci commence a se disloquer, avoir beaucoup de ciel et être dans une architecture sans nom comme un indice d’une modernité oubliée .
Pour l’instant je ne l’aménage pas, je peins et je campe. J’ai l’impression d’être en résidence chez moi et je voudrais garder ça le plus longtemps possible.
Je pense avoir passé autant de temps à chercher, trouver, protéger ces endroits qui s’appellent ateliers qu’à peindre. L’atelier c’est la chambre à soi.
Il est cet espace de la production mais aussi et c’est peut être le plus important celui de la déprise sur justement la production, je veux dire un lieu qui permet de pouvoir se déprendre de certaines injonctions puisque justement on y est seul.
Il est l’endroit où on peut attendre et même guetter…
Alors accueillir Claire et Sylvain ici, avec leur beau projet de parler dans le lieu où les tableaux se font et se voient, sans rien voir justement mais seulement en s’écoutant, c’est l’exigence de parler au plus près de l’endroit qui produit.
La parole peut cesser d’être ce simple commentaire donné par d’autres depuis ailleurs, qui nous engloutit souvent. Elle a des chances de devenir une matière qui cherche et c’est bien.
C’est un acte politique dont on a besoin maintenant.
Jérôme Boutterin, paris , juin 2019.